Ne m’appelle pas vieillesse

Poèmes qui tombent du jour

Un jour, tu ne le verras pas, je mettrai mon masque

Ce ne sera plus vraiment moi mais moi seule le saurai

Tu ne sauras pas non plus si c’est le même cuir ou si c’est celui qui a déjà vécu

Une femme garde sur elle la peau de ce secret

Et alors, oui je pense que ce masque me servira

D’abord

Pour ne pas trop voir dans ton regard ce qui s’est transformé ou qui a disparu en moi

Ensuite

Parce que je te le proposerai comme un miroir quand tu voudras simplement parler avec moi

Et un jour

Tu ne le sauras pas

J’aurais totalement disparu derrière mon masque

Je ferai mes affaires dans mon usine interne, je me serai barrée

Mon masque sera devenu un regard par lequel j’irai voir où tu en es

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L’appel

Poèmes qui tombent du jour

L’oiseau soulevant le ciel en hurlant sait ma peine.

Hors la vie là mêlée,  son cri me fait appel.

Perçant le ciel d’un rictus incolore

Appel sans nom, brillant comme un éclair

Je sens un air de fer et de gris dans ce lieu rempli d’or 

Détachée à jamais d’un petit bout de terre

Mon cri part avec lui

Mon coeur bat tout mon corps et vibre dans la mer

Mon corps bat tout son vide et résonne à son nid

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Aux survivants

Poèmes qui tombent du jour

Il doit bien y avoir autre chose que ce rien que je tiens dans mes mains, sous mes doigts.

Pourtant la poussière permet que mon corps glisse, ne puisse trouver à se loger, à se trouver un quelque part qui ne soit plus là bas.

Peut-être qu’il pourrait y avoir un abri, un autre qui me parle dans sa langue, même si je ne comprends pas. 

Un autre qui me parle et me regarde, son œil comme un asile pour mon être harassé. 

Que quelque chose s’arrête et s’y tienne.

Mais non

Il n’y a rien que la faim qui me tient

Rien dans mon sac en plastique si précieux à l’exil, que je découvre ici

En excès, rejeté par milliers des industries minières.

Il n’y a rien d’humain de ce que j’espérais

Avant de voir

Rien que ce sol mou qui meurt de soif et d’amour, gonflé de vergetures comme les traces de traque laissées sur les chevilles d’un faon

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Dernière orange

Poèmes qui tombent du jour

Dernière orange

Très chère

Je vous veux goulûment

Dans mes mains votre peau déjà un peu flétrie me résiste

Sèche, elle se casse pourtant assoiffée de ce déshabillage

Ah comme je m’y prends mal !

Je vous mets en morceaux quand ce qui m’a séduit quelques minutes avant fut votre unicité

Je coupe trop fort la chair, impatient que s’abouche à mes lèvres votre ronde acidité

Je m’en mets plein les mains, cela me blesse aux doigts, gercés du long hiver

Un instant je m’arrête devant votre beauté, enchantée qu’elle finisse à ce fruit, à cette fleur secrète d’où vous apparaissez, transfigurée.

Je sais qu’il me faudra attendre des lunes pour vous reprendre un jour

A l’arbre qui languit.

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Aux submergés

Poèmes qui tombent du jour

Ils ne connaîtront ni le jour ni leurres

Quand elle frappera leurs cœurs

Ni la dernière image ni le dernier nuage pour eux seront connus car ils auront déjà disparu dans l’eau noire

Au loin les bateaux seront vagues

On ne saura plus rien de leur cargaison d’âmes

De leur sombres amarres

Ils ne connaîtront ni le lieu ni leurres

On confondra parfois leurs crânes avec des grappes de restes que ces bateaux ramènent aux pêcheurs ignorants

On comprendra leurs formes comme un grand cétacé

Qui n’existera plus la minute d’après

Aucun ciel ne vous sauve d’un trajet incertain

La mer seulement caresse l’étui désaffecté où se logeaient leurs rêves

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Au temps du sédiment

Poèmes qui tombent du jour

Souvent je me sens par milliers

Mon âme s’inverse et parle les langues d’hommes et de femmes que j’ai connus en rêve

Au temps du sédiment

Je voudrais qu’ils me parlent à leur tour, que leurs langues se délient pour me dire leurs merveilles, leurs misères et leurs peurs

Je voudrais qu’ils racontent à l’oreille de mon cœur ce qui les tourmentait, ce qui les occupait le soir dans leur nuit lune, quelles angoisses devaient-ils conjurer, priant les mains tremblantes vers un œil au-delà ? 

Quel rêve les aura embrasé faisant d’eux des voyants derrière leurs frêles paupières, imprégnant leurs journées de couleurs, de vernis flamboyants et de douces perceptions toutes indéfinissables? 

Comment étaient leurs heures, à qui vouaient-ils leurs corps, avouaient-ils leurs pensées tourmentées quand passait une corneille enchantée ?

Souvent je me sens par milliers et je rêve que je sais

Je sais d’un savoir fou

Je sais comme le soleil sait la mort de son jour

Je sais par pur excès

Je sais

Que les cris des enfants n’ont pas besoin de langue pour se faire reconnaître, trois couleurs les font luire, douleur, joie et absence.

Je sais

Que la vie sait la mort imperceptiblement, son pouls battant comme une immense horloge qui ne dirait pas l’heure.

Je sais

Que ce qui me précède est à jamais perdu, restera inconnu à mon désir imbu, que demain n’est encore qu’un néant qui attend, sans rien dire, que je m’avance vers lui.

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L’homme ceint

Poèmes qui tombent du jour

Un homme passe patiemment 

Ceint de lumière rieuse

Eparse

Dans le mystère ouvert d’une forêt silencieuse 

Où est mon cœur ?

Il tombe par feuilles d’or des arbres en hauteur

Le soleil les atteint par excès à chaque plongée dans l’air, irraisonnablement

Où est mon cœur ?

Il se répand

En tapis de fruits morts esseulés sous les saules, graines immortelles pour d’autres étés encore

Mon immobile horloge ne voit plus que par de vagues trouées sonores

Mon corps têtu m’oublie 

Puis se lève lentement 

Il enveloppe de peau la forêt qui sommeille et resserre son étreinte tout autour de mon être 

Et dans mon égarement, le tam tam de mon âme laisse entendre soudain un pivert inconscient 

Oubliant ma présence 

S’affairant de son bec dans le creux des écorces

Il me défait du rêve

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La voix tremblante

Poèmes qui tombent du jour

Il y a dans chaque essai fracas à nul pareil

Et c’est toujours le même qui frappe quand j’appelle

Sitôt que je veux dire et qu’un désir se forge

Des mains me serrent la gorge

Ma voix tremble et s’éraille, retourne à son sommeil

Personne n’entend son sel

Elle s’éteint brusquement avant la fin du texte et se casse par raclées dans un éclat raté

Le silence qui s’ensuit se sent bien embêté lui qui sonne seulement quand les mots ont parlé

Qu’avais je donc à dire qui ne puisse que tomber

Qui ne puisse que se taire encore dans mes pensées

Qui n’appelle que fustiges

Je décide ce jour de tout abandonner

Honte, angoisse et doute, regard émerveillé, moqueries et vertiges

Oust chimères ! Oust mégères enragées

Veuillez ne pas déranger la voix qui sait trembler

La voix qui parle seule, qui parle de ce qui tremble

Qui tremble de parler

De corporéité

De vérité difforme

D’intime déshabillé

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Les fractales

Poèmes qui tombent du jour

Il n’existe pas d’hommes supérieurs, non, ils n’existent pas

Nul ne peut monter sur ses propres épaules

Il y a à être deux pour créer et donner à celui qui vient après

Celui qui vient après transporte l’objet sans pouvoir l’attraper et l’apporte à un autre

Certains parmi eux sont deux mais n’en créent pas un autre

Il se perd, pas à pas

Personne ne vient après

Celui-ci vit longtemps dans l’idée de l’absence, on transmet sa portée

Il meurt avec ces deux mais demeure dans un lieu

Ce lieu peut-être plein ce lieu peut être vide, c’est la place de l’objet, c’est l’idée qui chemine

L’idée gît dans ce lieu, se répand par milliers

Bien sûr que nous sommes des fractales, et notre mesure, c’est l’incomparable

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Par delà la fracture

Poèmes qui tombent du jour

Pourquoi suis-je là ?

Pourquoi ma réponse devrait-elle être rationnelle ?

Cette présence, n’est-ce pas peut-être l’effet de cette brise absolue d’imprévu caressant mon cou au moment même où tes yeux cherchaient mon regard attablé au festin de la douleur et que tu as, comme par delà toi-même prononcé ces mots que j’avais oubliés

Viens, viens avec nous.

Je me souviens de ce moment, le seul capable de différencier tous les autres moments que l’épaisseur abasourdie du temps avait dévorés et de leur donner un sens, nouveau, apparu dans le travestissement curieux de l’étrange familiarité de sa densité, qui jadis, seyait si bien à mon âme.

Il faisait très chaud, j’étais moi-même aussi épaisse et étendue que l’absence du moindre recoin d’ombre devant laquelle même les oiseaux, muets, avaient abdiqué devant la recherche.

Chacun de tes mots me semblait inconnu et impossible, l’acte même de me lever de cette chaise de plastique blanche comme ma face pour chercher de l’air avec mon seul squelette m’était devenu inaccessible.

C’est pourtant à ce moment précis que tout s’est joué.

C’est le morceau qui manquait à mon esprit devenu puzzle

Moi qui me cachait, moi qui avait pourtant délibérément disparu des bulles de rien qui composent nos images, je suis venue vers toi.

J’ai entendu ta main se poser sur mon épaule, je l’ai sentie entrer en moi comme la terre asséchée de l’été tout à coup reçoit les premières pluies de gouttes.

D’autres auraient craché dessus que j’en eu perdu  le goût.

Le goût de la vie au coin de mes lèvres, me rappelant doucement celui des larmes qui ne coulaient plus depuis trop longtemps. 

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L’hôte

Poèmes qui tombent du jour

C’est toujours le matin qu’il pleure. Un peu avant l’aube. Qu’elle vienne, cela ne cesse de ne pas le consoler, de le surprendre.

Ça le prend comme un enfant voudrait toujours trouver les bras d’un autre pour se lover. 

Peu lui importe qui, c’est la chaleur qu’il cherche, il sait que bien peu de personnes peuvent la lui refuser. Lorsque vient l’enfant, il pleure avec lui, il ne peut pas le consoler, pas encore car il ignore que lui aussi est un enfant. Il rit bientôt et il le laisse partir avec un peu de peine qu’il cache dans un sourire. Il se cache pour qu’il s’en aille, pour qu’il vive.

Il ne sait pas encore que c’est pour lui le moment le plus fragile, celui où il doit s’éveiller. Celui où il le quitte.

Matrice du moment d’amour.

D’amour pour ceux qu’il aime et qui dansent dans son coeur pendant sa nuit sans que toujours il les y invite. De convives, ils sont à la fête, ils savent qu’il désire être pour eux une demeure, une maison sans verrou. Ils savent aussi que si la porte reste close un moment, ils pourront revenir. Il a besoin quelques fois de ses silences.

Son verre de vin ce soir, à sa gauche et son reflet exhumé de la bougie en fleurs. Ses compagnons. 

Trop tard il est cinq heure, c’est la limite affranchie pour la paix qui naît du sommeil.

Après l’heure, il n’est plus question de rêver les yeux fermés. Le rêve commence ici. 

Là, tout doux, il s’endort après l’heure, pour ne pas que l’aube le touche plus qu’il n’en faut, pour ne pas qu’elle le brise.

Et la musique orientale entre dans son âme avec les écouteurs. Son horizon, l’ordinateur.

Un jour il parlera de toi, de ce frère qu’il a perdu; l’être là, celui qui joue avec d’autres langages.

Jamais il ne quittera ce lieu d’où il écrit. Recourbé dans l’angle d’une lointaine demeure, il le regarde inventer de nouveaux textes.

C’est sacré.

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Nécessité devant

Poèmes qui tombent du jour

Ne laisse pas filer les mots

Ils existent aujourd’hui dans une lumière nouvelle, ils ne seront demain que la coquille d’abîme que ton coeur imprimé n’aura pas su garder.

Cherche en chacun des traits ce qui peut faire esquisse, d’apparition soudaine en forme de douceur.

Douceur pour celui-là qui vit à leur côté, ignorant bienheureux de leur éphémère rire.

Ne laisse pas filer les mots, ceux qui naissent en secret sans y être invités, qui se bousculent en fronde, d’un pas désespéré.

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Il existe

Poèmes qui tombent du jour

Il existe ma mère

Je l’ai élevé pour toi

Je l’ai voulu beau pour toi

Je lui ai parfois fait du mal

Mère!

Comme il se cache. Il sait.

Il joue avec le vent.

Ivre d’amour, je le retrouve souvent attablé au festin de la douleur.

Il aime à s’y répandre, repu, repenti.

Le sourire en moustache. L’oeil lointain.

Il me parle de toi, avant l’aube. Toujours d’un ton criard

Fauve abasourdi.

Pauvre.

Capricieux.

Je l’aime. Je ne sais pas.

La question.

Lui, le trouvailleur

A moi, le labeur.

Circonscrite.

J’aurais pu, à genoux.

Et l’autre. 

Oui l’autre là. L’être.

Comme il lui ressemble

Il est né dans le désert mais ses pas l’ont guidé.

Rapide. Sibyllin.

Le regard neuf. 

Intrépide, assoiffé.

Je l’aime. Je sais. 

IL est là.

Il existe ma mère.

Je l’ai protégé pour toi.

Je l’ai voulu bon pour toi.

L’aurais-je blessé un jour?

Mère!

Il sait. 

Il joue avec le temps.

Il joue avec ce qu’il a fallu taire

Pour te plaire.

Terre pour exister. Hanter et recouvrir.

Maintenant.

Ils sont là tous les deux.

Moi? Je regarde.

Je souris, je les laisse s’amuser avec autant

Autant ma mère je m’émerveille

Comme des enfants

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Madame en rêve

Poèmes qui tombent du jour


Que la musique m’inonde.
Que la musique inonde les rues et dépose sa couverture d’exil sur tous les lieux communs.

Qu’elle taise tout le bruit qui me pique les yeux. Que Paris soit son esclave, symphonie d’hirondelles et de lumières opaques.
Couvre encore mon sort.
Epaissit les fluides.

Je sens une guerre plus folle encore poindre derrière leur sourire.

Même au bout de la nuit, il n’y a rien pour eux.

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Feaver

Poèmes qui tombent du jour

L’homme et la femme marchaient dans la brume de l’aurore

Lointains, leurs pas comme des adresses 

Solaires, sous les trembles d’été

Elle, tenait son bras qui lui soutenait le corps

Il, gardait sa main avec le poing serré

Chacun à son destin que le désir empresse

Ce que je sais c’est qu’ils allaient

Je ne saurais vous dire s’ils arrivaient ou partaient

Sur le souffle des feuilles

Leur image m’est encore trop sonore

Leurs visages et leurs actes m’étaient indéchiffrables

Mais ils parlaient là où la vie s’instaure

A bas bruit, comme on parle aux nuages

Ce que je sais c’est qu’ils s’avançaient 

Par vagues et revenaient en forêt

Ils soufflaient sur des vœux, défrichaient les sentiers

Hors d’âge

Très tôt, se séparaient, par foulées et repartaient, larvés

Vers la ville affolée

Dans ses pièces sombres, sans partage; ils se tenaient

Ils se tenaient là où se meurent d’envie et la mer et le sable

Ce que je sais c’est qu’ils se languissaient

Ils pleuraient doucement juste après les orages

Cherchant à se cacher des foudres et des loups

Nus, seuls, fragiles

Plongeant dans la forêt trouée par les éclairs

Ils se tenaient blottis à leurs corps malhabiles

Ils achevaient leurs rêves, commettaient des impairs

Ce que je sais d’eux c’est qu’ils disparaissaient

La femme rêvait de lui 

Ne sachant ni le dire ni le faire

Eve évanouie, sirène muette

Qui ne connaît son nom ne sait plus que se taire

Quand son heure fut venue un seul a pris l’appel

Qu’elle ait tout entendu la garde irrésolue

Que ces mots aient un lieu me consolent certains jours

Ce que je sais d’elle c’est qu’elle était adage 

L’homme parlait l’oiseau, savait la langue d’amour, ne cherchait pas demeure 

Il venait de fort loin, portait des bas de soie, sautillant dans la joie à l’ombre des pleureurs 

Il dansait sur les crêtes

Acrobate immobile au dessus du volcan

Il attendait son sort, il rêvait tout contre elle

Ce que je sais de lui c’est qu’il avait un gage

Saturant mon regard, inondant ma mémoire

Mes yeux salés n’ont pas pu tout garder de leur histoire

Éternellement à présent ils allaient dans ce bonheur sans âge

Sans repos murmure le Poète

En morceaux de mille feux appelant sans détresse

Le temps evanescent disparaissant sans cesse

Disparaissant longtemps

Voilà ce que je sais

Ce que je sais d’eux c’est qu’ils s’aimaient

Mais, la mort sait reprendre sa mise

Et laisse à consoler les amants éperdus

Cela je le sais

Imperdu

Je le sais car

Je suis l’enfant qui n’est pas né

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Etre quelque part

Poèmes qui tombent du jour

Dans quelques minutes, un jour, je mourrai.

Quelques minutes après ce jour, pleine d’une lumière grave, je partirai. Je ne serai plus, plus personne ne saura mon nom, j’aurais disparu. 

Dans l’instant lent et calme qui aura pris ma joie, arrachée à tous les phares de la nuit, j’aurai tout perdu. 

Dans quelques minutes. 

Attends.

Pas encore. 

Surprise à ce lieu feu de l’autre, j’entreprends de défroisser une ancienne peine et d’y écrire un mot. 

Nouveau. 

Attends.

Je l’écris.

Vois.

C’est alors que je rencontrerai ton œil. Presque forclos, mi-dit, millionnaire.

Et peut être, alors donc, que depuis ton œil, et à l’instant précis de la chute, celle qui entame la dernière minute, quelque chose de moi sera capté de toi.

J’aurai rejoint le livre, serai toute dissolue dans l’encre vernaculaire.

Et tout à ta lecture de moi, à ton festin scopique, je serai lue de toi, j’aurais atteint le reflet de ton oeil. 

Je serai vue. 

Toi, tu Retrouveras les remèdes de l’enfance.

Moi, j’aurai tourné la page.

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L’entame

Poèmes qui tombent du jour

Lente âme, possible demeure intranquille

Défilant le cours plein du torrent de mes failles 

Défait son corset de muraille et tombe à mon genou, preste, revenant d’un passé harassé, se tordant, se pâmant d’un amour ineffable, cueilli précisément d’un verger assoiffé, traversant le regard.

Lente âme, découverte à la hache de l’ardeur comme l’ombre découpe la rage.

Immensément se perd dans l’affable incendie.

À présent voilà que je m’entame vers mon ancien départ, la poitrine inversée se pose et repose devant le tombeau parleur qui sonne sur mon cœur, hélas, plus personne ne répond, l’oreille rit sur l’or mort. 

Ici, quiconque prend l’appel disparaît aussitôt. 

Du corps noir qui pâlit sous la lointaine fureur, l’odeur rance revient sur mon âme, la scène obscène se défait sur le rideau parfait de jaune abasourdi et déchire ma poitrine en son exact milieu.

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Légère chute

Poèmes qui tombent du jour

Et te disparaissant je tombe, ma main ne rejoint plus la tienne, ton visage devient loin, imprécis, combien faudra-t-il que je tienne ? 

Quel écart mon corps doit-il au long chemin noir de la séparation, mienne ce jour neuf et droit ? ‌

Quel délicieux délire m’a confinée au bord du tout pouvoir avoir ? 

Un à un, je graverai un à un les mots sur ce silence, qu’ils deviennent des ancrages pour l’empreinte de mon être. 

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Liminaire

Poèmes qui tombent du jour

De l’unique clôture

Reste l’enveloppe de l’oeuf

De la première cassure surgit telle, inédite

L’autre partie du monde.

L’ Autre parti du monde 

Du sol clandestin qu’un regard seul atteint

Sur le seuil endurci tranchant de l’ouverture

La limite engloutie dans une longue faim de  joie

Brise l’incertitude au bord de cet ailleurs 

Seul devant soi s’avance le monde 

Le premier né crie et regarde 

L’autre se tait et s’arme 

Seule l’enveloppe demeure 

Avec la chance 

Qui avance et qui gronde

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Poème caniculaire

Poèmes qui tombent du jour

Poème caniculaire

La pomme qui ne tombe pas de l’arbre abrasé par le feu

Soulève de l’intérieur de mon ventre un long chagrin de chair

Autour les feuilles déjà ne sont plus que la trace sonore du bruit sec où se brise le virtuel.

D’un feuillage liquide qui disparaît sur le fer rouge et vorace du grillage incendié

Se meurt las l’oiseau transitionnel

Soleil fou qui déroge au réel

Délocalise le lieu la place, abolit le temps et bannit mon être de l’espace.

Quelque chose ici bas ne fait pas qu’affleurer, ça transperce.

Là, l’air brûle l’enveloppe de l’oeil se fane

Un peu plus loin encore, la terre parle

Mon semblable porte son malaise sur la tête comme on sauverait une âme

L’oiseau se presse et s’abîme dans l’air cuit

Un papillon glisse flavescent de la fleur et chavire dans l’amer

Son petit corps raidi bouleverse l’ordre de mon cœur, claquant tombant au goudron affamé. 

Ici, nul chien n’adore plus son maître. 

Nos amis mots vacillent dans la langueur des corps, lâches, ramassés en forfaits

Je vais sans secours dans le lieu où l’ennui s’est tu où a brûlé l’envie

Que la pomme ne tombe pas solde le jour d’un sort

De la pièce fraîche derrière la vitre claire, quelque chose cloche.

Quelque chose semble mort.

Ed Erkls 

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En ville

Poèmes qui tombent du jour

En ville, on rencontre parfois certains humains rendus à l’ordre naturel, hirsutes abasourdis, le vêtement ample qui couvre tout le mal qui les a dispersés.

Ils sont là, balançants, sidérés d’avoir vu, titubant à attendre ne sachant plus qui, et depuis si longtemps qu’on les confond avec le gris silencieux des rues, avec les troncs secs des arbres.

Invisibles aux passants, ne le sont jamais à mon coeur voyant.

Quand il vous disent bonjour on dirait qu’ils vous sautent dessus, ils doivent être assoiffés par l’intranquillité, briguant un geste, cherchant un regard sûr.

Pour eux, les lieux s’inversent, ils tournent devant leur cage, le nez par terre, ils tournent devant leur cage qu’ils gardent bien à l’oeil de peur qu’elle ne leur serve.

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Deux biches dans la nuit

Poèmes qui tombent du jour

J’allais dans la tourmente quand vous m’êtes apparues, vous, deux petites biches, deux petites billes de grâce, deux trous noirs éblouis par ma nuit.

L’une au milieu de mon champ, attendant l’autre qui hésitait têtue sur le bas-côté, mes pieds à cet instant bondissant sur les freins, c’est avec ma poitrine que se finit le geste et s’est inscrit la trace. 

Pendant que mon coeur monte vers le ciel chargé de feu, vous en estompez l’ombre. 

A vos côtés, soudain, les mots tombent sur les choses.

Vos beautés m’ont serrée, m’ont surprise et ravie à la mort qui s’impatiente.

J’allais dans ma tourmente quand la vie à bondi devant mon horizon, aveugle auparavant.

C’est le noir qui entoure vos corps qui m’a recomposé. 

Qui sait si mon visage apparaissait ainsi dans la nuit sarcophage ce qu’il délivrerait.

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La phrase

Poèmes qui tombent du jour

En partant, le soleil se donne corps et âme par le reflet des arbres, partout des incendies grandissent jusqu’à à la cime infime des humbles faiseurs d’ombre.  La floraison s’empourpre.

Au dessus des couleurs fauves et pleines d’une chaleur branchée directement au coeur, éblouies par leur propre splendeur, une ligne qui se désarticule avec grâce traverse le plafond de l’oeil dans un silence inouï. Les seigneurs du ciel  s’éloignent en volutes et tracent une phrase en mouvement, qui se désarticulant sans cesse, ne me permet pas de la déchiffrer.

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Le trouvailleur

Poèmes qui tombent du jour

Aujourd’hui,
J’ai découvert la joie sur le chemin d’un sourire.
Reflet dans mon oeil. Amerrissage immédiat.
Ceux qui sèment
Ne peuvent sonder aussitôt l’épaisseur de leur acte.
Pour nous, la question.
La question fonde le monde.
Nous sommes les trouvailleurs,
Le cheveu sauvage et le geste empressé.
Pour nous, le temps se trace,
N’a presque plus d’importance,
Le vécu, seul se signe de sa présence.

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