Elle sait tout

Textes écrits pour êtres dits

Elle sait tout alors c’est tout

Plus personne ne peut dire un mot, il n’y a aucun doute aucun rire qui divise son savoir car elle sait et ça, ça ferme tout, ça ferme, ça la ferme, alors elle continue et ça parle, tout seul, ça parle tout seul, c’est à côté de son corps, pas pris dans le pli du regard ni dans la voix, ni dans l’abysse de la poitrine, ça parle sans s’arrêter sans répit, sans repos, ça fait mal aux oreilles mais moins qu’à l’estomac, celui qui digère mal l’excès de mots, l’excès du mal dans le tissu de mots qui gratte la peau.

Elle sait alors c’est tout, ça ferme tout alors on garde en soi la haine pour ce qui se ferme, la ferme. La ferme, on a envie de dire ça, la ferme, de le crier, de le vomir à ses pieds, de tousser son dedans, d’éclabousser son foie, sa rate, ses intestins, on les jette comme des mots qui ne peuvent pas sortir, atterrés dans la gorge.

Plus on se vide au dedans, plus on rétrécit, on a 10 ans, on ne sait pas encore que quelque chose peut ne pas être clos, qu’on peut sortir et courir vite, tout envoyer balader, nommer la haine, localiser la haine. 

Elle a la haine à l’aine.

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Aux papillons qui se jettent devant moi

Textes écrits pour êtres dits

Il paraît que certains papillons attendent le passage des bagnoles pour s’écraser le plus vite possible, pour crever une bonne fois pour toutes sous le plastique chauffé par le goudron en feu. 

Je pense qu’ils se précipitent, que la vitesse de ces fauves en métal rend leur trépas plus désirable car plus rapide.

On pourrait croire comme ça que c’est un hasard, qu’ils sont là de façon accidentelle, qu’ils étaient simplement là au moment où passait le bolide, affairés à désirer une fleur ou à tromper l’ennemi au soleil, on pourrait le croire, oui.

Et puis, on pourrait se dire conséquemment qu’ils se font attraper, faucher, soulever par la violence du vent cassé par ces engins et qu’ils tombent sous leurs roues comme sous le coup du sort, disparaissant du champ de tout regard.

Et, on pourrait aussi croire que, comme affolés de leur effet, leur fin ne serait que la suite logique d’une rencontre fortuite mais qui devait tout de même arriver, à cette heure précise, là où tout est aveugle, dans cet angle là de la route même, avec cette aile comme ça, rien qu’à demi brisée, d’où persiste le bleu.

Peut-être que leur acte détruit et subsume à lui seul et en cet exact instant, la somme des vastes chaos qui ont mené un jour au fait qu’une larve puisse se métamorphoser en une si grande beauté. Oui, c’est peut être cela qu’ils fracassent, leur beauté, leur insupportable éphémère, leurs milliers de regards sur le sexe des fleurs, même pas le temps de regretter, ça va trop vite. 

Ils doivent bien le sentir ça avec toutes ces conversions qu’ils ont menées, qu’on ne fait que passer après s’être déchiré l’enveloppe derrière la tête en tentant haletant d’oublier de ramper pour s’envoler en l’air. C’est peut être ça qu’ils fracassent et que sapent les sales roues de nos caisses à cimetière.

Mais bon, ça ne semble pas encore assez puisqu’ils survivent, oui, ils survivent à leur beauté et laissent des traces de couleur sur les routes encombrées.

Et tu vois, la trace sur la route là, celle qui brûle mon regard, moi qui ne fais que passer, cette trace multicolore qui brille, qui n’a pas encore renoncé au soleil, c’est leur or, même écrasée leur beauté insiste et reste le vrai immobile, sur le bitume ardent. 

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Quand je te parle

Textes écrits pour êtres dits

Ce que je vais te dire est déjà peut-être écrit quelque part, inscrit dans le sombre d’un livre, coincé dans la bibliothèque d’un lieu dit du monde, insoupçonnable, presque perdu, en tous cas ignoré, resté insu. 

Peut-être aussi au fond que je te l’avais déjà dit mais que je l’ai oublié, que j’ai perdu la page, égaré le moment et même l’intention restée ensevelie dedans. Ce que je vais te dire d’autres y ont déjà pensé, l’ont fait, ou l’ont peut être déjà écrit et l’ont donné à d’autres qui l’auront lu et oublié car nous sommes faits pour oublier, et quand nous croyons inventer, nous ne savons pas encore que nous nous sommes seulement souvenu de ce que nous avions oublié car ça s’était enfoui, ça s’était converti au sein d’une autre forme, rendue méconnaissable. Oui, voilà pourquoi je te le dis, pour que tu te souviennes toi aussi de ce que j’oublierai encore demain inexorablement, comme tous ceux à qui j’aurais été me dire. 

Ce que je vais te dire à peut-être déjà été écrit, mais ceux qui l’auraient déjà entendu ou lu, ceux-là qui nous sont proches, qui nous sont aussi tout à fait lointains, au moment même où je te parle, car ils sont morts ou bien pas encore nés, c’est presque pareil tu sais, oui, ceux-là même dont je te parle, ils n’étaient pas toi et moi. Et moi je te parle maintenant, ici, je te regarde et je te dis ce que j’ai à te dire, et alors cela n’est donc pas encore écrit, lu et relu, oublié, perdu et ça se passe là entre toi et moi et ça n’a jamais existé comme ça et ça n’existera jamais plus de cette façon, avec cette virgule là  à cet endroit et ce mouvement de mon torse qui s’ouvre quand je te parle, avec ce souffle qui me manque et me coupe la poitrine.

Oui, parce que je parle à celui qui viendra après toi. Je parle avec ce qui n’est déjà plus moi. Alors, toi et moi, nous pourrons devenir enfin, tant d’autres choses qui seront oubliées.

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Une rencontre avec ta beauté

Textes écrits pour êtres dits

Te voir soudain et puis te regarder, briser l’indifférence des images, ne pas pouvoir détourner mon regard de ta figure, de ton œil étincelle, de ta bouche ondoyante, encore un peu humide de la brève gorgée d’un verre de vin blanc piqué d’or.

Etre là devant toi enfin et faire semblant de ne plus te voir parce-qu’on-ne-voit-que-toi. 

Etre là, l’air de rien, m’offrir comme ta vision, sauter derrière ton fard, te contempler de derrière ton visage, me loger à ta place un instant, peut-être même, me regarder en face.

Si je me dérobe, c’est que je veux garder ton clair, ton vrai, la sève de ta présence.

Ta lumière délicate éblouit, toi qui ne veut décidément pas me voir, qui me vise et m’évite à la fois, comme on cherche la vérité.

Alors, je ferme les yeux pour que tu disparaisses.

Des fils d’or se tressent dans l’ombre des désirs et flamboient au-dessus de nos têtes, dans ce bistrot bondé jaune et sombre, ils découpent des espaces seulement pour nos reflets et déposent lentement à tes mains des mots comme des baisers sur la peau de la vie. 

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Ne m’appelle pas vieillesse

Poèmes qui tombent du jour

Un jour, tu ne le verras pas, je mettrai mon masque

Ce ne sera plus vraiment moi mais moi seule le saurai

Tu ne sauras pas non plus si c’est le même cuir ou si c’est celui qui a déjà vécu

Une femme garde sur elle la peau de ce secret

Et alors, oui je pense que ce masque me servira

D’abord

Pour ne pas trop voir dans ton regard ce qui s’est transformé ou qui a disparu en moi

Ensuite

Parce que je te le proposerai comme un miroir quand tu voudras simplement parler avec moi

Et un jour

Tu ne le sauras pas

J’aurais totalement disparu derrière mon masque

Je ferai mes affaires dans mon usine interne, je me serai barrée

Mon masque sera devenu un regard par lequel j’irai voir où tu en es

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L’appel

Poèmes qui tombent du jour

L’oiseau soulevant le ciel en hurlant sait ma peine.

Hors la vie là mêlée,  son cri me fait appel.

Perçant le ciel d’un rictus incolore

Appel sans nom, brillant comme un éclair

Je sens un air de fer et de gris dans ce lieu rempli d’or 

Détachée à jamais d’un petit bout de terre

Mon cri part avec lui

Mon coeur bat tout mon corps et vibre dans la mer

Mon corps bat tout son vide et résonne à son nid

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Aux survivants

Poèmes qui tombent du jour

Il doit bien y avoir autre chose que ce rien que je tiens dans mes mains, sous mes doigts.

Pourtant la poussière permet que mon corps glisse, ne puisse trouver à se loger, à se trouver un quelque part qui ne soit plus là bas.

Peut-être qu’il pourrait y avoir un abri, un autre qui me parle dans sa langue, même si je ne comprends pas. 

Un autre qui me parle et me regarde, son œil comme un asile pour mon être harassé. 

Que quelque chose s’arrête et s’y tienne.

Mais non

Il n’y a rien que la faim qui me tient

Rien dans mon sac en plastique si précieux à l’exil, que je découvre ici

En excès, rejeté par milliers des industries minières.

Il n’y a rien d’humain de ce que j’espérais

Avant de voir

Rien que ce sol mou qui meurt de soif et d’amour, gonflé de vergetures comme les traces de traque laissées sur les chevilles d’un faon

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Dernière orange

Poèmes qui tombent du jour

Dernière orange

Très chère

Je vous veux goulûment

Dans mes mains votre peau déjà un peu flétrie me résiste

Sèche, elle se casse pourtant assoiffée de ce déshabillage

Ah comme je m’y prends mal !

Je vous mets en morceaux quand ce qui m’a séduit quelques minutes avant fut votre unicité

Je coupe trop fort la chair, impatient que s’abouche à mes lèvres votre ronde acidité

Je m’en mets plein les mains, cela me blesse aux doigts, gercés du long hiver

Un instant je m’arrête devant votre beauté, enchantée qu’elle finisse à ce fruit, à cette fleur secrète d’où vous apparaissez, transfigurée.

Je sais qu’il me faudra attendre des lunes pour vous reprendre un jour

A l’arbre qui languit.

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Malade en été

Aux invisibles passants eux seuls mon cœur voyant

Comme le jour est lourd à cette heure

Devant la maisons close

On l’habille de musique, de sifflements, d’écrans multicolores,

Les machines parlent seules dans le silence sonore

Les oiseaux dorment, eux

Ils savent que l’heure est lourde,

Que les hommes dorment encore

Dans le midi du jour

Ils savent qu’ils dorment seuls

D’un grand sommeil artificiel

Ils savent aussi les remèdes à ce mal

Entrés petit à petit, dissipés sous la langue qui pâtît

Acre, incapable d’articuler

Par milliers ils agissent dans la nuit

La lumière fait douleur à l’œil torve et éteint

Plus rien n’espère revivre

On se languit alors dans l’immobile été

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A la jeune tourterelle

L'Amour et ses Images

Jeune tourterelle

Ne sois pas effrayée par mon pas disgracieux, malhabile, imprécis

Avec mes gros sabots, je fait fuir les affreux

Avec ma hanche cassée, je ne sais que ramper, je tremble souvent aussi

Je traîne mes échassiers sans me coordonner

Vois comme je suis abrupte, moi le très bas, qui n’ai pas su passer près de toi sans tout désenchanter de l’ordre de ta beauté

Je recule devant toi maintenant tout doucement et ton œil intrigué semble ne pas me quitter

J’ai déjà disparu que tu m’as oublié, tu bois dans quelque creux d’une terre desséchée, je ne vois que tes plumes bleuir dans la lumière

Peut être bien aussi que tu ne m’as point vu, que j’ai tout inventé car tu es la grâce et son secret

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Aux submergés

Poèmes qui tombent du jour

Ils ne connaîtront ni le jour ni leurres

Quand elle frappera leurs cœurs

Ni la dernière image ni le dernier nuage pour eux seront connus car ils auront déjà disparu dans l’eau noire

Au loin les bateaux seront vagues

On ne saura plus rien de leur cargaison d’âmes

De leur sombres amarres

Ils ne connaîtront ni le lieu ni leurres

On confondra parfois leurs crânes avec des grappes de restes que ces bateaux ramènent aux pêcheurs ignorants

On comprendra leurs formes comme un grand cétacé

Qui n’existera plus la minute d’après

Aucun ciel ne vous sauve d’un trajet incertain

La mer seulement caresse l’étui désaffecté où se logeaient leurs rêves

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Au temps du sédiment

Poèmes qui tombent du jour

Souvent je me sens par milliers

Mon âme s’inverse et parle les langues d’hommes et de femmes que j’ai connus en rêve

Au temps du sédiment

Je voudrais qu’ils me parlent à leur tour, que leurs langues se délient pour me dire leurs merveilles, leurs misères et leurs peurs

Je voudrais qu’ils racontent à l’oreille de mon cœur ce qui les tourmentait, ce qui les occupait le soir dans leur nuit lune, quelles angoisses devaient-ils conjurer, priant les mains tremblantes vers un œil au-delà ? 

Quel rêve les aura embrasé faisant d’eux des voyants derrière leurs frêles paupières, imprégnant leurs journées de couleurs, de vernis flamboyants et de douces perceptions toutes indéfinissables? 

Comment étaient leurs heures, à qui vouaient-ils leurs corps, avouaient-ils leurs pensées tourmentées quand passait une corneille enchantée ?

Souvent je me sens par milliers et je rêve que je sais

Je sais d’un savoir fou

Je sais comme le soleil sait la mort de son jour

Je sais par pur excès

Je sais

Que les cris des enfants n’ont pas besoin de langue pour se faire reconnaître, trois couleurs les font luire, douleur, joie et absence.

Je sais

Que la vie sait la mort imperceptiblement, son pouls battant comme une immense horloge qui ne dirait pas l’heure.

Je sais

Que ce qui me précède est à jamais perdu, restera inconnu à mon désir imbu, que demain n’est encore qu’un néant qui attend, sans rien dire, que je m’avance vers lui.

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L’homme ceint

Poèmes qui tombent du jour

Un homme passe patiemment 

Ceint de lumière rieuse

Eparse

Dans le mystère ouvert d’une forêt silencieuse 

Où est mon cœur ?

Il tombe par feuilles d’or des arbres en hauteur

Le soleil les atteint par excès à chaque plongée dans l’air, irraisonnablement

Où est mon cœur ?

Il se répand

En tapis de fruits morts esseulés sous les saules, graines immortelles pour d’autres étés encore

Mon immobile horloge ne voit plus que par de vagues trouées sonores

Mon corps têtu m’oublie 

Puis se lève lentement 

Il enveloppe de peau la forêt qui sommeille et resserre son étreinte tout autour de mon être 

Et dans mon égarement, le tam tam de mon âme laisse entendre soudain un pivert inconscient 

Oubliant ma présence 

S’affairant de son bec dans le creux des écorces

Il me défait du rêve

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La voix tremblante

Poèmes qui tombent du jour

Il y a dans chaque essai fracas à nul pareil

Et c’est toujours le même qui frappe quand j’appelle

Sitôt que je veux dire et qu’un désir se forge

Des mains me serrent la gorge

Ma voix tremble et s’éraille, retourne à son sommeil

Personne n’entend son sel

Elle s’éteint brusquement avant la fin du texte et se casse par raclées dans un éclat raté

Le silence qui s’ensuit se sent bien embêté lui qui sonne seulement quand les mots ont parlé

Qu’avais je donc à dire qui ne puisse que tomber

Qui ne puisse que se taire encore dans mes pensées

Qui n’appelle que fustiges

Je décide ce jour de tout abandonner

Honte, angoisse et doute, regard émerveillé, moqueries et vertiges

Oust chimères ! Oust mégères enragées

Veuillez ne pas déranger la voix qui sait trembler

La voix qui parle seule, qui parle de ce qui tremble

Qui tremble de parler

De corporéité

De vérité difforme

D’intime déshabillé

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T’attendre

L'Amour et ses Images

Qu’il est bon de t’attendre car tu viendras

Quoi qu’il arrive, je te sais là

Siégeant dans l’épaisse éternité des rêves

A demi nu parmi le jardin d’Eve

Pur des seins des maternelles

Moi venant par devant toi illuminer ton vers

Toi tout contre moi allant t’inscrire dans mes bras

Chacun son fil d’or noué au creux des lois

Ma chair qui devine tes pas rafraîchit mes artères

Qu’il est bon de t’attendre car tu viendras

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Les fractales

Poèmes qui tombent du jour

Il n’existe pas d’hommes supérieurs, non, ils n’existent pas

Nul ne peut monter sur ses propres épaules

Il y a à être deux pour créer et donner à celui qui vient après

Celui qui vient après transporte l’objet sans pouvoir l’attraper et l’apporte à un autre

Certains parmi eux sont deux mais n’en créent pas un autre

Il se perd, pas à pas

Personne ne vient après

Celui-ci vit longtemps dans l’idée de l’absence, on transmet sa portée

Il meurt avec ces deux mais demeure dans un lieu

Ce lieu peut-être plein ce lieu peut être vide, c’est la place de l’objet, c’est l’idée qui chemine

L’idée gît dans ce lieu, se répand par milliers

Bien sûr que nous sommes des fractales, et notre mesure, c’est l’incomparable

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Par delà la fracture

Poèmes qui tombent du jour

Pourquoi suis-je là ?

Pourquoi ma réponse devrait-elle être rationnelle ?

Cette présence, n’est-ce pas peut-être l’effet de cette brise absolue d’imprévu caressant mon cou au moment même où tes yeux cherchaient mon regard attablé au festin de la douleur et que tu as, comme par delà toi-même prononcé ces mots que j’avais oubliés

Viens, viens avec nous.

Je me souviens de ce moment, le seul capable de différencier tous les autres moments que l’épaisseur abasourdie du temps avait dévorés et de leur donner un sens, nouveau, apparu dans le travestissement curieux de l’étrange familiarité de sa densité, qui jadis, seyait si bien à mon âme.

Il faisait très chaud, j’étais moi-même aussi épaisse et étendue que l’absence du moindre recoin d’ombre devant laquelle même les oiseaux, muets, avaient abdiqué devant la recherche.

Chacun de tes mots me semblait inconnu et impossible, l’acte même de me lever de cette chaise de plastique blanche comme ma face pour chercher de l’air avec mon seul squelette m’était devenu inaccessible.

C’est pourtant à ce moment précis que tout s’est joué.

C’est le morceau qui manquait à mon esprit devenu puzzle

Moi qui me cachait, moi qui avait pourtant délibérément disparu des bulles de rien qui composent nos images, je suis venue vers toi.

J’ai entendu ta main se poser sur mon épaule, je l’ai sentie entrer en moi comme la terre asséchée de l’été tout à coup reçoit les premières pluies de gouttes.

D’autres auraient craché dessus que j’en eu perdu  le goût.

Le goût de la vie au coin de mes lèvres, me rappelant doucement celui des larmes qui ne coulaient plus depuis trop longtemps. 

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L’absent

Aux invisibles passants eux seuls mon cœur voyant

L’hiver prend place à mes côtés

Dans les draps

Sur mes lèvres

Il rigole sur mon coeur, expédiant mon ami vers d’autres rêves d’été

Matin de café noir pour raviver le corps

L’hiver est un amant plus brûlant que l’absence.

Il souffle à mon oreille, entoure mon cou de laine

Embrasse mon visage, sauvage et doux de coeur

L’été s’est tu et a gardé mon âme

Tout me parle de lui, tout me rappelle son nom

Les odeurs, les cafés, les lumières, la nuit noire

Il est un manque lointain qui parle à mon cœur

Personne ne répond car je n’appelle que lui

Un moment, je le vois

Grand monsieur grelottant sous son manteau en pleurs.

Il y cachait ses fleurs nourries de pluies de lui

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L’attitré

Aux invisibles passants eux seuls mon cœur voyant

Ce que l’autre n’est plus on l’emporte avec soi

L’être de ma lettre étant mon être, maître, mettez là l’être.

Je fus jadis un autre et je ne suis toujours qu’un ailleurs pour moi-même.

Et savez vous, le bonheur, je le laisse à ceux qui n’ont rien d’autre à espérer.

Transitionaître, ou n’être qu’un peu, un peu entre-pris par ce réel qui m’a-sidère.

Qui me demande d’être là, avec tout ce que je n’ai pas, avec tout ce que je ne sais pas.

Leurre, c’est la question du temps qui m’in-dispose.

Et mon estomac, comme un ulcère incertain.

Mon coeur, le socle de l’univers, son négatif qui s’assoupit sous la caresse.

Puisse la main d’un homme générer l’indicible qu’est l’amour.

L’amour pour celui qui s’absente. Et qui diablement de cet effet, remplit l’espace en se clouant au sol.

Incarné dans la terre.

Il n’y a rien à dire. La parole se suspend. Respirer devient étrangement une lutte.

Au nom du père, tourmentez encore, je vous ris au nez.

La danseuse a épousé le vent, le sol est mon air. 

Tomber ne m’atteint plus.

Je suis ce qui tombe. Alors, je peux danser.

Perdre, c’est pouvoir rejouer.

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L’hôte

Poèmes qui tombent du jour

C’est toujours le matin qu’il pleure. Un peu avant l’aube. Qu’elle vienne, cela ne cesse de ne pas le consoler, de le surprendre.

Ça le prend comme un enfant voudrait toujours trouver les bras d’un autre pour se lover. 

Peu lui importe qui, c’est la chaleur qu’il cherche, il sait que bien peu de personnes peuvent la lui refuser. Lorsque vient l’enfant, il pleure avec lui, il ne peut pas le consoler, pas encore car il ignore que lui aussi est un enfant. Il rit bientôt et il le laisse partir avec un peu de peine qu’il cache dans un sourire. Il se cache pour qu’il s’en aille, pour qu’il vive.

Il ne sait pas encore que c’est pour lui le moment le plus fragile, celui où il doit s’éveiller. Celui où il le quitte.

Matrice du moment d’amour.

D’amour pour ceux qu’il aime et qui dansent dans son coeur pendant sa nuit sans que toujours il les y invite. De convives, ils sont à la fête, ils savent qu’il désire être pour eux une demeure, une maison sans verrou. Ils savent aussi que si la porte reste close un moment, ils pourront revenir. Il a besoin quelques fois de ses silences.

Son verre de vin ce soir, à sa gauche et son reflet exhumé de la bougie en fleurs. Ses compagnons. 

Trop tard il est cinq heure, c’est la limite affranchie pour la paix qui naît du sommeil.

Après l’heure, il n’est plus question de rêver les yeux fermés. Le rêve commence ici. 

Là, tout doux, il s’endort après l’heure, pour ne pas que l’aube le touche plus qu’il n’en faut, pour ne pas qu’elle le brise.

Et la musique orientale entre dans son âme avec les écouteurs. Son horizon, l’ordinateur.

Un jour il parlera de toi, de ce frère qu’il a perdu; l’être là, celui qui joue avec d’autres langages.

Jamais il ne quittera ce lieu d’où il écrit. Recourbé dans l’angle d’une lointaine demeure, il le regarde inventer de nouveaux textes.

C’est sacré.

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A celui qui s’en va

L'Amour et ses Images

J’ai des choses à Te dire.

Peut-être que cela aurait pu être tu.

Toi qui m’abrites sous ton visage, à la lumière duquel je tombe en amour, à la faveur duquel mon coeur devient soleil car mes pieds ont retrouvé l’ardeur à-musée de la danse.

C’est écrit. Là. Déjà. Dessiné sous le pli.

Il vint sans crier gare et je me suis tue pour ne pas l’apeurer.

C’était donc cela.

Toi. 

Tais-moi et marche

Va t’en.

Va tant que tu veux.

Je me vois dans l’aveugle de ton regard. C’est moi.

Envisagée ma bouche entrevue, juste ouverte pour caresser le souffle.

L’accueillir dans mon regard pour toi

Celui que je veux pour toi caressant.

J’écris.

Nous nous apparaissons à nous-mêmes dans cette lumière. 

A peine.

Qui suis-je?

Tu me l’as dit dans ce silence que tu caches sous ta barbe.

Délivre Toi du mal.

M’or, je suis déchue dans tes rivages.

Tu m’apparais si profond que je ne peux plus tomber. 

Il n’est plus question, de grâce peut-être.

Résider sur la terre ne m’est pas suffisant. 

Je vole dans le vent comme une feuille qui t’attend qui tombe

A t’écrire en transparence.

En vol. J’ai retrouvé la trace. Je l’ai suivie du doigt, j’ai respiré son âge. Amusée de ce jeu avec Toi, l’être s’est avancé au devant de moi comme un nuage. De formes opalines, de flanelles engelées dans la surdité de mon regard. 

Je suis passée à côté de toi sans me reconnaître. 

Sang blanc oui mais la peur. 

La terreur d’être trouvée, d’être punie pour mon offense. De cet amour si lourd qu’il n’est plus suffisant.

Nous nous sommes épargnés cela. Mis de côté. Très cher alors, dès lors je me retire de mon huis-clos. Seule à tes pieds, j’en tends ta main qui me regarde.

Lève-moi. Élève mon âme au dessus du sol. Là. Déterre le mort. Incarne-moi. 

Je t’ouïs mieux à présent.

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L’amant

L'Amour et ses Images

Car.

Un jour j’ai décidé de ne plus jamais laisser s’échapper un mot, un dire.

D’appuyer ma présence sur ce bout de terre, agrippée des orteils pour équilibrer la tension de ma croupe en partance. Pour. Partir plus vite parce que je suis déjà revenue. Morte peut-être, je ne sais plus.

Et c’est ici que le rêve commence, l’œil pourtant demi-clos, ne sachant, ne voulant que cette lumière le dise. La nuit nous ensemence.

Je le regarde encore à côté. Je me souviens et j’aime me taire.

Que.

Parfois, il déposait son corps dans d’autres draps, ailleurs, sans jamais rester là, comme une plume sur l’épaisseur d’un ciment rouge de soleil et de temps.

Déposé en lui, tout entier recourbé sur son être, le corps comme armure, qui défie l’insolence du réel. Le poids est si léger que je peux l’écouter de ma chair. 

Il y a urgence à dire. Que le serrer contre moi m’arrache à la nuit, me dépossède de toutes mes certitudes et accomplit dans mon âme une équation compacte. 

L’instant précis devient quand il se brise, je suis de mon museau sa trace, je regarde l’horloge et je m’écrie au ciel qu’il cesse de tourmenter nos larmes.

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Nécessité devant

Poèmes qui tombent du jour

Ne laisse pas filer les mots

Ils existent aujourd’hui dans une lumière nouvelle, ils ne seront demain que la coquille d’abîme que ton coeur imprimé n’aura pas su garder.

Cherche en chacun des traits ce qui peut faire esquisse, d’apparition soudaine en forme de douceur.

Douceur pour celui-là qui vit à leur côté, ignorant bienheureux de leur éphémère rire.

Ne laisse pas filer les mots, ceux qui naissent en secret sans y être invités, qui se bousculent en fronde, d’un pas désespéré.

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Les hommes de poussière

Aux invisibles passants eux seuls mon cœur voyant

Je passais l’autre fois près de vous.

D’un oeil presque incertain, j’aperçus votre corps couché sur la poussière, recouvert d’un infime drapé de sable aurore.

A peine pour réchauffer vos pieds nus d’autres voyages.

Protégé sous les plis, vous dormiez comme un homme.

Quelques denrées cachées vous gardaient dans la vie.

Je vous trompais encore du regard dans un soupir très lâche alors que mes pas me portaient déjà loin.

Ces corps sur la poussière, j’avais pris l’habitude de les frôler au seuil, sans trop m’en approcher, gardant comme une pudeur le remord de l’absence.

Chaque pas qui m’éloignait alourdissait mon coeur mais rassemblait mon âme en notre humanité.

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Vos lèvres

Aux invisibles passants eux seuls mon cœur voyant

Vos lèvres

Un moment.

Pour moi surpris par la grâce.

C’est cette manière toute particulière avec laquelle vos lèvres se fermèrent qui fait de moi votre esclave. 

A jamais.

Pour ne pas perdre cet instant qui ne ressemblera jamais plus à nul autre et qui pourtant a existé pour moi, derrière toute votre lumière.

Lors je vois en perpendiculaire.

Ces lèvres offertes à personne ou bien peut-être qu’à moi seul, à mon regard enceint.

Qui sait, j’aime à le croire.

Or ces lèvres là, je voudrais que d’autres les voient, encore et s’en délectent, à en mordre les leurs d’un plaisir ivre d’or. 

C’est pourquoi je les capture au néant.

C’est pourquoi je vous les donne en serment.

Que leur reflet disparaisse pour toujours ne m’est pas supportable.

Qu’elles restent dans l’invisible des regards est là toute l’épaisse vérité de leur demeure.

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Aux âmes souterraines

Aux invisibles passants eux seuls mon cœur voyant

Mais qu’est ce que ce sarcophage, cette momie liquide et désapprivoisée? 

C’est un homme.

Il n’y a pas d’ombre à l’ouvrage pour qui se courbe à l’être.

N’allez pas croire que je cherche la beauté dans le mot. 

C’est juste une petite place que je veux desserrer. 

Seul, le regard parfois ne peut rien arrimer, il passe et rien n’advient.

Je suis celui qui passe après.

Et tout réapparaît.

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Il existe

Poèmes qui tombent du jour

Il existe ma mère

Je l’ai élevé pour toi

Je l’ai voulu beau pour toi

Je lui ai parfois fait du mal

Mère!

Comme il se cache. Il sait.

Il joue avec le vent.

Ivre d’amour, je le retrouve souvent attablé au festin de la douleur.

Il aime à s’y répandre, repu, repenti.

Le sourire en moustache. L’oeil lointain.

Il me parle de toi, avant l’aube. Toujours d’un ton criard

Fauve abasourdi.

Pauvre.

Capricieux.

Je l’aime. Je ne sais pas.

La question.

Lui, le trouvailleur

A moi, le labeur.

Circonscrite.

J’aurais pu, à genoux.

Et l’autre. 

Oui l’autre là. L’être.

Comme il lui ressemble

Il est né dans le désert mais ses pas l’ont guidé.

Rapide. Sibyllin.

Le regard neuf. 

Intrépide, assoiffé.

Je l’aime. Je sais. 

IL est là.

Il existe ma mère.

Je l’ai protégé pour toi.

Je l’ai voulu bon pour toi.

L’aurais-je blessé un jour?

Mère!

Il sait. 

Il joue avec le temps.

Il joue avec ce qu’il a fallu taire

Pour te plaire.

Terre pour exister. Hanter et recouvrir.

Maintenant.

Ils sont là tous les deux.

Moi? Je regarde.

Je souris, je les laisse s’amuser avec autant

Autant ma mère je m’émerveille

Comme des enfants

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Madame en rêve

Poèmes qui tombent du jour


Que la musique m’inonde.
Que la musique inonde les rues et dépose sa couverture d’exil sur tous les lieux communs.

Qu’elle taise tout le bruit qui me pique les yeux. Que Paris soit son esclave, symphonie d’hirondelles et de lumières opaques.
Couvre encore mon sort.
Epaissit les fluides.

Je sens une guerre plus folle encore poindre derrière leur sourire.

Même au bout de la nuit, il n’y a rien pour eux.

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Le festin

L'Amour et ses Images

Tu tr’encontres?

Des couleurs, des images, des phonèmes, des floraisons d’aurore, des flanelles de sève bleue, des thermes déchiffrées, d’encore Romains sous les strates, de paisibles demeures où nul n’a plus été, découvertes alanguies à l’ombre de nos pas. 

Et des rires d’enfants pour amuser l’espace, entreprendre l’élan, décloisonner les temps, 

Conjuguer nos mutuelles syntaxes, archétypes de nos traces 

Absentisés d’angoisses, mots devenus inconnus des lexiques de nos langues pareils à des miroirs, rafraichis d’un cœur pur.

T’attendre.

T’attendre m’a ravie à l’immensité rêvée.

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Feaver

Poèmes qui tombent du jour

L’homme et la femme marchaient dans la brume de l’aurore

Lointains, leurs pas comme des adresses 

Solaires, sous les trembles d’été

Elle, tenait son bras qui lui soutenait le corps

Il, gardait sa main avec le poing serré

Chacun à son destin que le désir empresse

Ce que je sais c’est qu’ils allaient

Je ne saurais vous dire s’ils arrivaient ou partaient

Sur le souffle des feuilles

Leur image m’est encore trop sonore

Leurs visages et leurs actes m’étaient indéchiffrables

Mais ils parlaient là où la vie s’instaure

A bas bruit, comme on parle aux nuages

Ce que je sais c’est qu’ils s’avançaient 

Par vagues et revenaient en forêt

Ils soufflaient sur des vœux, défrichaient les sentiers

Hors d’âge

Très tôt, se séparaient, par foulées et repartaient, larvés

Vers la ville affolée

Dans ses pièces sombres, sans partage; ils se tenaient

Ils se tenaient là où se meurent d’envie et la mer et le sable

Ce que je sais c’est qu’ils se languissaient

Ils pleuraient doucement juste après les orages

Cherchant à se cacher des foudres et des loups

Nus, seuls, fragiles

Plongeant dans la forêt trouée par les éclairs

Ils se tenaient blottis à leurs corps malhabiles

Ils achevaient leurs rêves, commettaient des impairs

Ce que je sais d’eux c’est qu’ils disparaissaient

La femme rêvait de lui 

Ne sachant ni le dire ni le faire

Eve évanouie, sirène muette

Qui ne connaît son nom ne sait plus que se taire

Quand son heure fut venue un seul a pris l’appel

Qu’elle ait tout entendu la garde irrésolue

Que ces mots aient un lieu me consolent certains jours

Ce que je sais d’elle c’est qu’elle était adage 

L’homme parlait l’oiseau, savait la langue d’amour, ne cherchait pas demeure 

Il venait de fort loin, portait des bas de soie, sautillant dans la joie à l’ombre des pleureurs 

Il dansait sur les crêtes

Acrobate immobile au dessus du volcan

Il attendait son sort, il rêvait tout contre elle

Ce que je sais de lui c’est qu’il avait un gage

Saturant mon regard, inondant ma mémoire

Mes yeux salés n’ont pas pu tout garder de leur histoire

Éternellement à présent ils allaient dans ce bonheur sans âge

Sans repos murmure le Poète

En morceaux de mille feux appelant sans détresse

Le temps evanescent disparaissant sans cesse

Disparaissant longtemps

Voilà ce que je sais

Ce que je sais d’eux c’est qu’ils s’aimaient

Mais, la mort sait reprendre sa mise

Et laisse à consoler les amants éperdus

Cela je le sais

Imperdu

Je le sais car

Je suis l’enfant qui n’est pas né

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Le passant

Aux invisibles passants eux seuls mon cœur voyant

Tu allais, enjambant l’asphalte, fou de pas vers elle.

Scintillant comme l’oiseau, en corps brinquebalant de spasmes et de cheveux pressés.

Le soleil de fer long, planté comme un épouvantail dans la rue blanche de froid, rendait ton visage pourpre. 

En ta plastique légère, tu tenais ton angoisse sous la gorge, là, tapie tout près du cœur.

Encore, allant vers, étouffant ton squelette lourd de tes gestes étourdis, le regard fixe.

Où vas-tu ? T’attendent-ils quelque part ?Il est des flamands roses que j’ai connus jadis, échassiers merveilleux, leur présence élastique c’est la tienne aujourd’hui, que je cueille comme de l’or tombé de ta poitrine.

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Etre quelque part

Poèmes qui tombent du jour

Dans quelques minutes, un jour, je mourrai.

Quelques minutes après ce jour, pleine d’une lumière grave, je partirai. Je ne serai plus, plus personne ne saura mon nom, j’aurais disparu. 

Dans l’instant lent et calme qui aura pris ma joie, arrachée à tous les phares de la nuit, j’aurai tout perdu. 

Dans quelques minutes. 

Attends.

Pas encore. 

Surprise à ce lieu feu de l’autre, j’entreprends de défroisser une ancienne peine et d’y écrire un mot. 

Nouveau. 

Attends.

Je l’écris.

Vois.

C’est alors que je rencontrerai ton œil. Presque forclos, mi-dit, millionnaire.

Et peut être, alors donc, que depuis ton œil, et à l’instant précis de la chute, celle qui entame la dernière minute, quelque chose de moi sera capté de toi.

J’aurai rejoint le livre, serai toute dissolue dans l’encre vernaculaire.

Et tout à ta lecture de moi, à ton festin scopique, je serai lue de toi, j’aurais atteint le reflet de ton oeil. 

Je serai vue. 

Toi, tu Retrouveras les remèdes de l’enfance.

Moi, j’aurai tourné la page.

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L’entame

Poèmes qui tombent du jour

Lente âme, possible demeure intranquille

Défilant le cours plein du torrent de mes failles 

Défait son corset de muraille et tombe à mon genou, preste, revenant d’un passé harassé, se tordant, se pâmant d’un amour ineffable, cueilli précisément d’un verger assoiffé, traversant le regard.

Lente âme, découverte à la hache de l’ardeur comme l’ombre découpe la rage.

Immensément se perd dans l’affable incendie.

À présent voilà que je m’entame vers mon ancien départ, la poitrine inversée se pose et repose devant le tombeau parleur qui sonne sur mon cœur, hélas, plus personne ne répond, l’oreille rit sur l’or mort. 

Ici, quiconque prend l’appel disparaît aussitôt. 

Du corps noir qui pâlit sous la lointaine fureur, l’odeur rance revient sur mon âme, la scène obscène se défait sur le rideau parfait de jaune abasourdi et déchire ma poitrine en son exact milieu.

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Légère chute

Poèmes qui tombent du jour

Et te disparaissant je tombe, ma main ne rejoint plus la tienne, ton visage devient loin, imprécis, combien faudra-t-il que je tienne ? 

Quel écart mon corps doit-il au long chemin noir de la séparation, mienne ce jour neuf et droit ? ‌

Quel délicieux délire m’a confinée au bord du tout pouvoir avoir ? 

Un à un, je graverai un à un les mots sur ce silence, qu’ils deviennent des ancrages pour l’empreinte de mon être. 

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Liminaire

Poèmes qui tombent du jour

De l’unique clôture

Reste l’enveloppe de l’oeuf

De la première cassure surgit telle, inédite

L’autre partie du monde.

L’ Autre parti du monde 

Du sol clandestin qu’un regard seul atteint

Sur le seuil endurci tranchant de l’ouverture

La limite engloutie dans une longue faim de  joie

Brise l’incertitude au bord de cet ailleurs 

Seul devant soi s’avance le monde 

Le premier né crie et regarde 

L’autre se tait et s’arme 

Seule l’enveloppe demeure 

Avec la chance 

Qui avance et qui gronde

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La jeune fille à la douleur

Aux invisibles passants eux seuls mon cœur voyant

Elle  arrive dans un râle qui saisit ma poitrine. Petite, maigre, les yeux enfouis sous un chapeau moderne, avec dessus les marques du capital inscrites comme des bannières obscènes.  Les yeux devinés mais hors regard, enclos sous l’épaisse chevelure brune déposée en muraille sur ses épaules, des morceaux de boucles de fer ornent mal son visage. 

Elle se dépose sans poids dans la cellule inhumée souterraine, le noir y est sonore, la lumière artificielle, elle demande une place dans un cri qui tord encore ma gorge, mon cœur alors est tombé dans un noeud qui demeure enserré. Il se souvient encore de ses mains tremblantes sur les genoux, de la forme de son corps, têtu dans sa clôture, de sa tête inclinée,  baissée sur les trous innombrables de son habit sombre et cloué. Frêle, certainement affamée, elle est partie soudain dans l’odeur ineffable des jours mauvais. Où vas-tu ? Est ce que quelqu’un t’attend là-bas ?

Jeune femme toute vêtue de douleur, tu es passée ce jour là devant moi sans me reconnaître, je garde de toi, incisant l’ingénue que je m’étais permise à demeurer avant de te connaître, la morsure vive du réel.

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Poème caniculaire

Poèmes qui tombent du jour

Poème caniculaire

La pomme qui ne tombe pas de l’arbre abrasé par le feu

Soulève de l’intérieur de mon ventre un long chagrin de chair

Autour les feuilles déjà ne sont plus que la trace sonore du bruit sec où se brise le virtuel.

D’un feuillage liquide qui disparaît sur le fer rouge et vorace du grillage incendié

Se meurt las l’oiseau transitionnel

Soleil fou qui déroge au réel

Délocalise le lieu la place, abolit le temps et bannit mon être de l’espace.

Quelque chose ici bas ne fait pas qu’affleurer, ça transperce.

Là, l’air brûle l’enveloppe de l’oeil se fane

Un peu plus loin encore, la terre parle

Mon semblable porte son malaise sur la tête comme on sauverait une âme

L’oiseau se presse et s’abîme dans l’air cuit

Un papillon glisse flavescent de la fleur et chavire dans l’amer

Son petit corps raidi bouleverse l’ordre de mon cœur, claquant tombant au goudron affamé. 

Ici, nul chien n’adore plus son maître. 

Nos amis mots vacillent dans la langueur des corps, lâches, ramassés en forfaits

Je vais sans secours dans le lieu où l’ennui s’est tu où a brûlé l’envie

Que la pomme ne tombe pas solde le jour d’un sort

De la pièce fraîche derrière la vitre claire, quelque chose cloche.

Quelque chose semble mort.

Ed Erkls 

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La roulade

Aux invisibles passants eux seuls mon cœur voyant

Alors, elle se mit bien à plat sur ses pieds

Le corps découpant l’air géométriquement

Les bras tendus vers le ciel

Au dessus sa tête

Chaque étoile clignait au dessus d’elle comme un oeil

Les bras tendus

Les doigts comme des adresses au clair de lune dessinant des serments tout autour de sa quête

Que l’impatience empourpre et émerveille

Les bras tendus

Le ventre avide

Les yeux rieurs pour l’horizon,

Et prit une grande décision.

Elle ne tomberait plus sur sa tête d’échassier malhabile mais s’essaierait désormais aux roulades pour se rendre à la vie

Et elle irait, elle irait rouler parmi les corps, rouler les coups du sort.

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En ville

Poèmes qui tombent du jour

En ville, on rencontre parfois certains humains rendus à l’ordre naturel, hirsutes abasourdis, le vêtement ample qui couvre tout le mal qui les a dispersés.

Ils sont là, balançants, sidérés d’avoir vu, titubant à attendre ne sachant plus qui, et depuis si longtemps qu’on les confond avec le gris silencieux des rues, avec les troncs secs des arbres.

Invisibles aux passants, ne le sont jamais à mon coeur voyant.

Quand il vous disent bonjour on dirait qu’ils vous sautent dessus, ils doivent être assoiffés par l’intranquillité, briguant un geste, cherchant un regard sûr.

Pour eux, les lieux s’inversent, ils tournent devant leur cage, le nez par terre, ils tournent devant leur cage qu’ils gardent bien à l’oeil de peur qu’elle ne leur serve.

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Deux biches dans la nuit

Poèmes qui tombent du jour

J’allais dans la tourmente quand vous m’êtes apparues, vous, deux petites biches, deux petites billes de grâce, deux trous noirs éblouis par ma nuit.

L’une au milieu de mon champ, attendant l’autre qui hésitait têtue sur le bas-côté, mes pieds à cet instant bondissant sur les freins, c’est avec ma poitrine que se finit le geste et s’est inscrit la trace. 

Pendant que mon coeur monte vers le ciel chargé de feu, vous en estompez l’ombre. 

A vos côtés, soudain, les mots tombent sur les choses.

Vos beautés m’ont serrée, m’ont surprise et ravie à la mort qui s’impatiente.

J’allais dans ma tourmente quand la vie à bondi devant mon horizon, aveugle auparavant.

C’est le noir qui entoure vos corps qui m’a recomposé. 

Qui sait si mon visage apparaissait ainsi dans la nuit sarcophage ce qu’il délivrerait.

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La phrase

Poèmes qui tombent du jour

En partant, le soleil se donne corps et âme par le reflet des arbres, partout des incendies grandissent jusqu’à à la cime infime des humbles faiseurs d’ombre.  La floraison s’empourpre.

Au dessus des couleurs fauves et pleines d’une chaleur branchée directement au coeur, éblouies par leur propre splendeur, une ligne qui se désarticule avec grâce traverse le plafond de l’oeil dans un silence inouï. Les seigneurs du ciel  s’éloignent en volutes et tracent une phrase en mouvement, qui se désarticulant sans cesse, ne me permet pas de la déchiffrer.

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Le trouvailleur

Poèmes qui tombent du jour

Aujourd’hui,
J’ai découvert la joie sur le chemin d’un sourire.
Reflet dans mon oeil. Amerrissage immédiat.
Ceux qui sèment
Ne peuvent sonder aussitôt l’épaisseur de leur acte.
Pour nous, la question.
La question fonde le monde.
Nous sommes les trouvailleurs,
Le cheveu sauvage et le geste empressé.
Pour nous, le temps se trace,
N’a presque plus d’importance,
Le vécu, seul se signe de sa présence.

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