Souvent je me sens par milliers
Mon âme s’inverse et parle les langues d’hommes et de femmes que j’ai connus en rêve
Au temps du sédiment
Je voudrais qu’ils me parlent à leur tour, que leurs langues se délient pour me dire leurs merveilles, leurs misères et leurs peurs
Je voudrais qu’ils racontent à l’oreille de mon cœur ce qui les tourmentait, ce qui les occupait le soir dans leur nuit lune, quelles angoisses devaient-ils conjurer, priant les mains tremblantes vers un œil au-delà ?
Quel rêve les aura embrasé faisant d’eux des voyants derrière leurs frêles paupières, imprégnant leurs journées de couleurs, de vernis flamboyants et de douces perceptions toutes indéfinissables?
Comment étaient leurs heures, à qui vouaient-ils leurs corps, avouaient-ils leurs pensées tourmentées quand passait une corneille enchantée ?
Souvent je me sens par milliers et je rêve que je sais
Je sais d’un savoir fou
Je sais comme le soleil sait la mort de son jour
Je sais par pur excès
Je sais
Que les cris des enfants n’ont pas besoin de langue pour se faire reconnaître, trois couleurs les font luire, douleur, joie et absence.
Je sais
Que la vie sait la mort imperceptiblement, son pouls battant comme une immense horloge qui ne dirait pas l’heure.
Je sais
Que ce qui me précède est à jamais perdu, restera inconnu à mon désir imbu, que demain n’est encore qu’un néant qui attend, sans rien dire, que je m’avance vers lui.