L’homme et la femme marchaient dans la brume de l’aurore
Lointains, leurs pas comme des adresses
Solaires, sous les trembles d’été
Elle, tenait son bras qui lui soutenait le corps
Il, gardait sa main avec le poing serré
Chacun à son destin que le désir empresse
Ce que je sais c’est qu’ils allaient
Je ne saurais vous dire s’ils arrivaient ou partaient
Sur le souffle des feuilles
Leur image m’est encore trop sonore
Leurs visages et leurs actes m’étaient indéchiffrables
Mais ils parlaient là où la vie s’instaure
A bas bruit, comme on parle aux nuages
Ce que je sais c’est qu’ils s’avançaient
Par vagues et revenaient en forêt
Ils soufflaient sur des vœux, défrichaient les sentiers
Hors d’âge
Très tôt, se séparaient, par foulées et repartaient, larvés
Vers la ville affolée
Dans ses pièces sombres, sans partage; ils se tenaient
Ils se tenaient là où se meurent d’envie et la mer et le sable
Ce que je sais c’est qu’ils se languissaient
Ils pleuraient doucement juste après les orages
Cherchant à se cacher des foudres et des loups
Nus, seuls, fragiles
Plongeant dans la forêt trouée par les éclairs
Ils se tenaient blottis à leurs corps malhabiles
Ils achevaient leurs rêves, commettaient des impairs
Ce que je sais d’eux c’est qu’ils disparaissaient
La femme rêvait de lui
Ne sachant ni le dire ni le faire
Eve évanouie, sirène muette
Qui ne connaît son nom ne sait plus que se taire
Quand son heure fut venue un seul a pris l’appel
Qu’elle ait tout entendu la garde irrésolue
Que ces mots aient un lieu me consolent certains jours
Ce que je sais d’elle c’est qu’elle était adage
L’homme parlait l’oiseau, savait la langue d’amour, ne cherchait pas demeure
Il venait de fort loin, portait des bas de soie, sautillant dans la joie à l’ombre des pleureurs
Il dansait sur les crêtes
Acrobate immobile au dessus du volcan
Il attendait son sort, il rêvait tout contre elle
Ce que je sais de lui c’est qu’il avait un gage
Saturant mon regard, inondant ma mémoire
Mes yeux salés n’ont pas pu tout garder de leur histoire
Éternellement à présent ils allaient dans ce bonheur sans âge
Sans repos murmure le Poète
En morceaux de mille feux appelant sans détresse
Le temps evanescent disparaissant sans cesse
Disparaissant longtemps
Voilà ce que je sais
Ce que je sais d’eux c’est qu’ils s’aimaient
Mais, la mort sait reprendre sa mise
Et laisse à consoler les amants éperdus
Cela je le sais
Imperdu
Je le sais car
Je suis l’enfant qui n’est pas né